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8 février 2022

Dans un rapport récent, la CREG évoque un potentiel de profits exceptionnels pour les centrales gaz en 2021. La FEBEG questionne la méthodologie employée par la CREG ainsi que la « photo instantanée » faite de la rentabilité d’installations industrielles alors qu'il s'agit de calculer sur le long terme, sur base de la durée de vie de ces installations (cycles d’investissement). 
Par ailleurs, lors du dernier trimestre 2021, dans un période de prix élevés du gaz et de l’électricité, les centrales au gaz ont été pleinement exploitées et le gaz acheté en amont a été dûment utilisé pour produire l’électricité dont le réseau avait besoin.

Paramètres tronqués
L’approche utilisée par la CREG pour arriver à ses conclusions est remise en question depuis de nombreuses années par les opérateurs de centrales au gaz. En effet, elle est basée sur les bénéfices engendrés en tenant compte des seuls coûts opérationnels des centrales gaz, qui comprennent les approvisionnements en gaz, les coûts des émissions de CO2, les coûts de maintenance, de personnel.

Ce calcul de rentabilité omet complètement les coûts d’investissement dans l’outil de production industriel, des coûts qui s’élèvent à plusieurs centaines de millions d’euros pour une centrale au gaz et qui couvrent l’investissement initial ainsi que les travaux périodiques de grand entretien et d’extension de la durée de vie. Cette approche partielle et incomplète de la CREG exerce un effet de levier artificiel sur les profits présumés des opérateurs de centrales gaz et projette une image faussée de la situation économique réelle de ces installations industrielles, capitales pour la sécurité d’approvisionnement.

Lisez ici la note FEBEG qui détaille les critiques à l'encontre de la méthodologie et de l'étroitesse des paramètres utlisés par la CREG pour analyser la rentabilité des centrales gaz (ajout de la note à cet article le 21/03/2022).

Investissements et rentabilité a analyser sur la durée de vie totale de l'installation

Une centrale gaz représente un investissement industriel risqué et de grande ampleur dont la rentabilité réelle ne peut être analysée qu’à long terme. Or, la CREG réalise ici un instantané pris dans des circonstances de marché exceptionnelles.

S’il y a des années profitables, il y en a eu beaucoup d’autres dans le rouge. Ces situations déficitaires ont eu lieu à plusieurs reprises dans le passé. La rentabilité réelle est donc une moyenne des revenus sur le capital investi, et ce au terme de la durée de vie opérationnelle de la centrale concernée. Rappelons entre autres les importantes réductions de valeur actées par les utilities européennes sur leur portefeuille de centrales thermiques (principalement gaz) en 2013-2014.

Fonctionnement flexible et variable d’ajustement en fonction des besoins du marché
Le taux d’utilisation effectif et les profits d’une centrale gaz sont donc par définition plus qu’incertains car ces centrales sont utilisées comme variables d’ajustement dans le système électrique global. On leur demande d’être disponibles et prêtes à fonctionner dès que le marché en a besoin.

Le taux de disponibilité des centrales gaz  est évalué à 90% pour 2021. Les centrales gaz étaient donc pleinement disponibles (et couvertes) pour jouer leur rôle essentiel dans le système énergétique et assurer la sécurité d’approvisionnement. L'année dernière, à l’échelle européenne, ce sont principalement les centrales à charbon, les centrales nucléaires et le renouvelable qui ont produit l'électricité nécessaire.

Dans ces circonstances aléatoires, l’opérateur d’une centrale gaz gère ses positions (achat de gaz naturel et vente d’électricité) en bon père de famille, n’agissant d’une part sur les marchés longs termes et d’autre part sur les marchés courts termes que pour ajuster ses positions en fonction de la réalité très changeante de sa production d’électricité.

S’il a acheté trop ou trop peu de gaz naturel, il doit respectivement vendre ou acheter sur le marché qui peut être égal, haussier ou baissier par rapport à sa stratégie de couverture initiale. Ce processus est tout à fait normal et peut engendrer soit des profits soit des pertes parfois importantes. Ces arbitrages doivent aussi être considérés sur des périodes plus longues.

Il faut aussi préciser qu’au cours du dernier trimestre de 2021, les unités de production au gaz naturel ont fonctionné à plein régime et ont contribué à une offre suffisante d’électricité produite en Belgique, et donc à contenir les mouvements à la hausse des prix de l’électricité. Par ailleurs, La production éolienne a été beaucoup moins importante que prévue en 2021 et les centrales au gaz ont dû compenser ce manque de vent. Enfin, notons également qu’il faut considérer l’ensemble des bénéfices mais aussi des coûts du système dans son ensemble, notamment les coûts de déséquilibre qui se sont accrus de manière substantielle pour les acteurs de marché.

Marc Van den Bosch, General Manager de la FEBEG : « Le secteur a connu des années très difficiles, où les centrales à gaz n’atteignaient pas ou difficilement leur seuil de rentabilité. Des réductions de valeur massives ont été effectuées par les investisseurs car leurs actifs n’étaient pas rentables. L'utilisation d'un raisonnement microéconomique et basé sur des hypothèses partielles et incorrectes pour affirmer que les centrales gaz réalisent globalement des superprofits n'est pas adaptée à la réalité de ces investissements long terme, et à leur importance pour garantir la sécurité d’approvisionnement du pays. »